La crise agraire africaine présente plusieurs dimensions interdépendantes : crise de la productivité, des régimes fonciers, de l’écosystème, et crise rurale. La manifestation la plus pernicieuse se trouve dans l’exode des jeunes ruraux provoqué davantage par la paupérisation que par les perspectives d’une vie meilleure en ville ou à l’étranger.
Dans les approches néolibérales qui inspirent ou justifient les pseudo-solutions mises en œuvre depuis plus de trois décennies, la croissance mondiale du produit agricole doit être l’objectif prioritaire des politiques agricoles dans tous les pays. Les exploitations agricoles du quart monde, du monde occidental et des pays dits émergents doivent être mises en concurrence dans le cadre de la soumission aux oligopoles mondialisés et financiarisés de l’agrobusiness qui exigent partout la privatisation des droits d’accès au sol agricole. Or la crise s’aggrave depuis que les acteurs puissants du système ont imposé aux sociétés africaines les accords de l’OMC et bilatéraux qui les obligent à renoncer à la recherche de la souveraineté alimentaire nationale ou sous-régionale et à inscrire les exploitations paysannes dans les chaînes de valeurs visant à en évincer le plus grand nombre et à transformer les autres en salariés occasionnels sous-payés.
L’option de développement durable et solidaire permet aux auteurs de ce livre de soumettre au débat des analyses qui proposent des transformations sociales fondées sur trois principes : une démocratisation des sociétés rurales qui intègre l’égalité des sexes et la participation effective des producteurs agricoles au débat sur les dimensions agroalimentaires et agroécologiques des choix économiques et sociaux ; la construction de systèmes agroalimentaires souverains dans un monde polycentrique ; et le refus de considérer la privatisation des droits d’accès aux sols agricoles et leur transformation en marchandise banale comme des conditions fondamentales de la solution à la crise agraire. Dans cette option, le marché régulé et la planification ne sont plus que des moyens de réaliser les objectifs.
Bernard Founou-Tchuigoua, Docteur d’Etat ès-sciences économiques (Université Paris VIII), est directeur de recherche au Forum du Tiers Monde après avoir été professeur à l’IDEP. Il est membre-fondateur du Comité scientifique du CODESRIA et d’Alternatives Sud. Il est auteur ou codirecteur de plusieurs ouvrages dont Migrations internationales de travail et insécurités humaines (2009) ; Essais en l’honneur de Samir Amin (2003) ; Crise africana : Alternativas (1997) ; L’Afrique face aux ravages du capitalisme sauvage (1996) ; L’Afrique et le monde arabe ou l’échec de l’insertion internationale (1995) ; L’agriculture africaine dans ses relations avec l’Etat (1990) ; Fondements de l’économie de traite au Sénégal (1981).
Abdourahmane Ndiaye, Docteur en économie, est chercheur au CNRS, UMR 5185, et chargé d’enseignement à l’IUT Bordeaux III et à l’Université de Paris-Sud au Master 2. Il a enseigné l’économie à l’Université de Dakar (UCAD) de 1993 à 2003 et a été Maître de conférences associé à Bordeaux III de 2004 à 2010. Il a publié en 2011 L’économie sociale et solidaire : animation et dynamiques des territoires (L’Harmattan) et « Gouverner par les normes environnementales : jeux d’acteurs et de puissance autour de la certification forestière » avec P. Tozzi & S. Guéneau in Espaces & Sociétés, et en 2009 : « Les enjeux d’une réforme foncière » in T. Dahou(ed), Libéralisation et politique agricole au Sénégal, Karthala/CREPOS/ENDA.
ISBN: 978 286978 545 1
CODESRIA 2012